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9 juillet 2017

Le bonheur est un déchet toxique- Manu Causse

Thierry Magnier, parution avril 2017, 274 pages

 

     Nathanaël a toujours vécu avec son père, seuls entre hommes, une fusion à toute épreuve. Une épreuve, en voilà une difficile à surmonter, la maladie, ce foutu cancer tombé sur les épaules du père. Ce binôme va profiter au maximum des derniers instants ensembles, entre confidences et complicité.

« - L’amour, ça ne meurt jamais, Nathan. C’est le secret de l’univers. Ca vibre depuis toujours et pour toujours. On ne peut pas tout comprendre de la vie, de l’existence, mais je veux que tu sois sûr d’une chose : je suis là, avec toi. Pour toujours. »

     À la mort de son père Nathanaël se découvre une mère qu’il croyait inexistante jusqu’à présent. Celle-ci veut renouer avec ce fils inconnu allant même jusqu’à en demander la garde totale. Nathanaël se voit alors prendre un nouveau départ pour une nouvelle vie à St Targoire en pleine campagne, loin de tout. Va-t-il réussir à s’acclimater dans ce décor si hostile à ses yeux ? Et puis ce nouveau lycée, ses camarades, ce mode de vie vegan. Enfin il y a cette zone à défendre, en effet il est prévu une construction de décharge à Quéribut et le village a décidé de faire entendre son désaccord. Comment cet ado va surmonter tous ces bouleversements d’existence ?

 

     Manu Causse nous offre un roman très riche en thèmes.

     Nous suivons le cheminement de Nathanaël durant la maladie de son père. Comment celui-ci le prépare et lui donne les moyens de continuer sa vie sans lui. Tout au long du récit l’ado entretient un dialogue avec son père en fonction des épreuves et des questionnements qu’il traverse.

« Mais la vraie raison, c’est que j’ai peur. J’ai peur qu’un psy me dise que j’ai tort de continuer à parler à mon père. Qu’il me demande d’arrêter ces dialogues dans ma tête. Qu’il m’y oblige, ou qu’il ait le pouvoir de les faire taire. »

     Le deuil est abordé avec subtilité par Manu Causse, le lecteur se laisse porter dans cette reconstruction de soi.

« Ca fait comme un basculement dans ma tête. D’un seul coup, pour la première fois depuis des mois, je sais où je suis. Physiquement. Ça fait comme si les lignes se croisaient. Un déclic. »

     Il y a aussi ce déracinement radical, ce mode de vie vegan à dompter avec cette mère inconnue au bataillon. Nathanaël la rejette lorsqu’elle débarque dans sa vie, il ira même jusqu’à la détester profondément et finira par s’y adapter n’ayant pas d’autre choix.

     Le militantisme est aussi abordé à travers le projet de décharge. Ces agriculteurs prêts à tout pour défendre leurs terres. Cela me rappelle les opposants au barrage de Sivens en 2014 avec la mort tragique de l’écologiste Rémy Fraisse. Nathanaël observe beaucoup les faits et finit par se prendre au jeu dans cette lutte si importante aux yeux de sa mère.

« Les arbres disparus, le bois vidé de sa substance. Le sol raclé, décapé, ne laissant qu’une terre jaune et gris. De part et d’autre de la tranchée, ils ont empilé les plus gros troncs. Les branches emmêlées ressemblent à des bras de cadavres encastrés les uns dans les autres. Au-dessus, la toile déchirée des tentes et des tipis ondule lentement. »

     Nathanaël se construit au fil des pages, il grandit, mûrit, évolue ; mené par un style d’écriture qui m’a beaucoup plu. J’ai été émue par ce personnage impacté bien trop tôt par le deuil et réussissant à trouver sa place dans cette nouvelle aventure.

 

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